La technique de feedback en sandwich, comme toute technique de feedback, est une compétence fondamentale du management. En privilégiant la critique constructive, elle préserve la motivation des collaborateurs et contribue à créer une atmosphère positive au sein de l’équipe. Par une approche en trois temps, elle vise à faire passer un retour négatif sans heurter, en “enrobant” le message par des points factuels positifs.
Si la technique offre de nombreux avantages, elle présente également des écueils. Sa mise en œuvre demande de la subtilité. Donner un retour de manière sincère nécessite que l’intention initiale soit authentique. Sans cette authenticité, le destinataire percevra immédiatement la manipulation.
Et puis, la méthode du sandwich ne fait pas forcément l’unanimité. Elle a aussi ses détracteurs qui lui trouvent de nombreux inconvénients. Certains la jugent même inefficace et préfèrent l’abandonner au profit d’une alternative ou l’autre.
Cet article fait le point pour aider tout responsable d’équipe à évaluer cette technique et à vérifier si elle correspond à son contexte, ses objectifs et son besoin réel.
À retenir avec cet article :
- La technique de feedback en sandwich combine éloge et critique pour maintenir motivation et amélioration au sein d’une équipe.
- Bien que populaire, cette méthode présente des limites et peut être perçue comme manipulatrice par certains collaborateurs.
- Alternatives comme le feedforward et DESC offrent des approches plus directes et adaptées à divers contextes managériaux.
Qu’est-ce que le feedback en sandwich ?
Quelle que soit la méthode choisie, un feedback doit toujours favoriser le dialogue et le respect mutuel pour transformer chaque échange en moment constructif. Le but étant que le destinataire entende un message afin de transformer ses comportements et d’améliorer sa pratique professionnelle.
Technique de communication managériale, le feedback en sandwich structure le retour en trois temps : un commentaire positif, un point d’amélioration, un compliment final. Cette alternance vise à maintenir la motivation du collaborateur tout en identifiant clairement les axes de progression.
1. Commencer par une note positive
Le manager souligne un point fort, une réussite récente, une compétence maîtrisée. L’objectif est de mettre le collaborateur en posture d’écoute favorable. « Ta présentation de lundi était très dynamique, tu as capté l’attention du groupe dès les premières minutes. »
Le point positif doit être sincère et précis. Un compliment générique ou hors sujet sera immédiatement perçu comme une tactique. Le collaborateur sentira la manipulation et se fermera.
2. Poursuivre avec un point d’amélioration
C’est le cœur du feedback, la raison d’être de l’échange. Le responsable formule ici le point d’amélioration de manière factuelle et constructive. Il décrit un fait ou un comportement ainsi que son impact et propose des pistes de progression.
Le point à améliorer ne peut concerner que des faits et des comportements observables. La manière dont l’émetteur formule son message ainsi que sa communication non verbale ont un impact direct sur la perception du récepteur. Mieux vaut dire « Les délais de livraison du projet ont dépassé de trois semaines le planning initial, ce qui a impacté l’équipe marketing » que « Tu n’es pas fiable sur les délais ».
3. Terminer par un point positif ou un encouragement
Cette dernière étape clôt le feedback sur une note positive. Le responsable peut rappeler un autre point fort du collaborateur ou exprimer sa confiance pour la suite. « Je sais que tu peux y arriver, tu as déjà montré ta capacité d’adaptation sur le projet précédent. »
Cette conclusion encourageante évite de terminer sur une impression négative et permet au collaborateur de sortir de l’échange sans être totalement démotivé ou découragé.
Chaque tranche a sa fonction, comme dans le sandwich
Chaque tranche a sa fonction. Le positif en ouverture facilite l’écoute. Le correctif central porte le message essentiel. L’encouragement final envoie une message constructif et encourage à l’action.
Comme tout bon sandwich, l’équilibre des ingrédients fait la différence. Trop de pain et pas assez de garniture ? Le feedback perd sa substance. Trop de garniture sans pain ? L’échange devient indigeste. L’art du manager consiste à assembler ces trois éléments avec justesse.
Les écueils du feedback en sandwich
Cette méthode n’est pas exempte de risques. Nous en reprenons ici les principaux.
- Risque de perte d’efficacité par un effet de prévisibilité
Avec le temps, beaucoup de collaborateurs finissent par repérer le « schéma ». Ils attendent le « mais » du milieu et ne retiennent que la critique. Au final, le feedback perd en puissance, il ne sert plus à grand-chose. Le collaborateur n’est plus à l’écoute. « Il va encore me refaire le coup du vous êtes formidable mais… »
- Risque que le collaborateur ne comprenne pas le feedback
À force de trop arrondir les angles, de diluer le propos, le message est susceptible de ne pas être compris par le collaborateur. La clarté du message est pourtant essentielle car un feedback flou ou édulcoré peut être quasiment ignoré par son récepteur. « Y a pas de problème ».
- Risque de sentiment de manipulation
Certains collaborateurs peuvent percevoir le feedback en sandwich comme une stratégie de manipulation, une manière « douce » mais peu sincère de dire les choses. Le positif devient alors suspect, la confiance s’effrite. « S’il me complimente, c’est pour faire passer la pilule… ».
Et pourtant… Le feedback en sandwich reste une valeur sûre
Malgré les risques, cette méthode conserve de réels atouts lorsqu’elle est utilisée avec discernement. En évitant les écueils, le manager dispose d’un outil précieux pour construire un feedback à la fois exigeant et bienveillant.
Un cadre rassurant pour oser dire les choses
En formation managériale et en coaching, on constate que beaucoup de managers craignent le feedback par peur de froisser un collaborateur. Cette crainte s’intensifie lorsque le collaborateur est un ami ou un ancien collègue.
Débuter par des éléments positifs et sincères facilite considérablement l’exercice. Psychologiquement, il est plus simple d’aborder une conversation difficile en s’appuyant d’abord sur les réussites et les points forts.
Un format qui favorise l’écoute et l’apprentissage
Il est plus facile d’accepter un message critique lorsque l’on se sent reconnu et valorisé.
De plus, la reconnaissance et la valorisation sincères présentent un intérêt pédagogique. Il est établi que l’on apprend autant de nos réussites que de nos erreurs. Montrer au collaborateur ce qu’il réussit l’aide à identifier ses forces et à les mobiliser pour progresser ailleurs.
Une structure qui maintient le dialogue ouvert
Face à une critique frontale, notre cerveau a tendance à réagir au quart de tour. Le premier réflexe est alors souvent de se justifier, de contester ou de se fermer. L’approche en sandwich, si elle est bien utilisée, permet d’apaiser les tensions et de maintenir le dialogue.
La gestion des émotions est d’autant plus efficace si l’on remplace le MAIS par des formules telles que « en même temps » ou « d’un autre point de vue ». La reconnaissance initiale conserve tout son poids, elle n’est pas balayée par la critique qui suit.
Une culture du feedback régulier
Le feedback ne doit pas être réservé aux entretiens annuels ou aux moments critiques. Donner régulièrement des retours en utilisant une structure simple et constructive aide à développer une culture du feedback, pilier d’un management performant.
Cette pratique régulière crée un climat de confiance et installe une dynamique d’amélioration continue. L’échange devient naturel, le feedback perd son caractère anxiogène et gagne en efficacité.
S’adapter au contexte pour plus d’efficacité
Le feedback en sandwich n’est pas une recette universelle à appliquer mécaniquement. Son efficacité dépend de la finesse avec laquelle le manager l’adapte au contexte, au collaborateur et à la nature du problème.
Collaborateur junior vs expérimenté : ajuster le curseur
Face à un collaborateur junior, le sandwich prend tout son sens. Son manque d’expérience peut le rendre vulnérable à une critique trop directe. Le positif le sécurise et l’aide à intégrer le correctif sans se décourager.
Exemple : « Léa, ton compte-rendu de réunion est très clair et bien structuré. Par contre, il manque certains points de la discussion. La prochaine fois, pense à noter tous les échanges, même sans décision finale. Bravo pour ta rigueur et ton esprit de synthèse, c’est vraiment précieux. »
Avec un collaborateur expérimenté, le dosage n’est pas forcément le même. Le professionnel aguerri n’a pas besoin qu’on lui rappelle ses compétences à chaque feedback. Trop de précautions peuvent être perçues comme infantilisantes ou comme le signe que le manager n’ose pas dire les choses franchement.
Pour un senior, une approche plus directe est parfois préférable. « Marie, j’aimerais qu’on parle de la gestion du budget sur le projet X. Les dépassements se répètent depuis trois mois. On doit trouver une solution ensemble. » Le positif peut venir en conclusion si la discussion s’est bien passée, mais il n’est pas obligatoire pour lancer l’échange.
Erreur ponctuelle vs problème récurrent : changer de méthode
Le sandwich fonctionne bien pour une erreur isolée ou un comportement inhabituel chez un collaborateur par ailleurs performant. Le manager peut reconnaître la qualité globale du travail tout en corrigeant le point négatif.
En revanche, face à un problème récurrent, il perd de sa pertinence. Répéter la même structure à chaque échange peut avoir pour effet de minimiser la gravité de la situation. Le collaborateur peut se dire : « Si c’était vraiment grave, il ne commencerait pas par me complimenter. » Lorsqu’un dysfonctionnement dure ou se répète, il vaut mieux aller directement au cœur du sujet.
Feedback immédiat vs différé : choisir le bon moment
Le choix du timing dépend surtout de la nature de l’erreur et de son urgence.
Certaines situations exigent une réaction immédiate, même si elle sort du cadre du sandwich. Un comportement irrespectueux, une erreur qui met en danger autrui, une violation d’un principe éthique ne se traitent pas en sandwich mais en recadrage ferme et instantané.
L’urgence justifie la réactivité. Par contre, elle ne permet pas de prendre du recul. Sans attendre trop longtemps, pour ne pas diluer l’impact du feedback, il est souvent judicieux de différer un feedback pour le préparer et l’étayer avec des faits précis.
Feedback individuel vs collectif : garder la critique en privé
Le feedback collectif devient toxique dès que l’on personnalise la critique. Commencer par du positif collectif puis cibler une personne en particulier peut être néfaste pour toute l’équipe. Le collaborateur visé vit la situation comme une humiliation publique. Ses collègues se sentent mal à l’aise. Le manager a raté son coup.
Le sandwich collectif ne fonctionne que si toute l’équipe partage le même point fort et le même point d’amélioration. « Votre réactivité sur les urgences clients est excellente. En revanche, nous négligeons tous la documentation des solutions, ce qui nous fait perdre du temps ensuite. Si nous documentons mieux, nous serons encore plus efficaces. ». Dans cet exemple, personne n’est montré du doigt.
Quelles alternatives au feedback sandwich ?
D’autres méthodes permettent d’effectuer un retour de manière constructive. Ces approches sont d’ailleurs parfois plus adaptées à certaines situations.
La méthode DESC pour les situations tendues
DESC est un acronyme qui structure le feedback en quatre temps : Décrire, Exprimer, Suggérer, Conclure. Cette méthode vient des techniques de communication assertive et s’avère particulièrement efficace dans les contextes conflictuels ou lorsque le manager doit aborder un sujet délicat.
La force de DESC réside dans sa progression logique. Le collaborateur comprend exactement ce qui pose problème, pourquoi c’est problématique et comment modifier son comportement. DESC ne cherche pas à adoucir le message mais à le rendre incontestable par une description rigoureuse et factuelle de la situation. La méthode vise à exprimer un désaccord ou une critique de manière claire, respectueuse et empathique.
Le feedforward pour tourner la page du passé
Cette méthode repose sur le principe que l’on ne peut pas changer le passé, mais que l’on peut influencer l’avenir. Le feedforward invite le collaborateur à imaginer comment il pourrait agir différemment dans une situation future similaire, sans reproduire l’erreur commise.
Le feedforward évite le piège de la culpabilisation. Le collaborateur n’a pas à se justifier sur ce qui n’a pas fonctionné. Il peut concentrer son énergie sur la construction d’une solution. Cette approche libère la créativité et réduit les résistances.
Comme elle se concentre sur les solutions plutôt que sur les problèmes, cette manière spécifique de donner un retour fonctionne particulièrement bien avec les personnes qui ont tendance à être sur la défensive. Limite importante : le feedforward ne remplace pas totalement le feedback classique. Certaines situations exigent qu’on nomme clairement ce qui dysfonctionne.
Le feedback continu pour sortir de la séance de feedback formelle
Cette approche rompt avec l’idée même d’un feedback structuré. Le manager abandonne les formats prédéfinis pour installer un dialogue permanent avec ses collaborateurs. Le feedback devient une conversation naturelle qui s’inscrit dans le flux quotidien du travail.
Ce mode de feedback élimine l’anxiété ou le stress des entretiens formels. Il permet de corriger les comportements non désirés en temps réel avant qu’ils ne s’installent. Il crée une relation managériale plus fluide et moins hiérarchique.
Cependant, la conversation continue peut diluer la responsabilisation dans l’environnement de travail. Un collaborateur qui reçoit des dizaines de micro-feedbacks peut ne plus percevoir ce qui est vraiment important et ce qui relève du détail. Le manager doit donc garder la capacité de distinguer ce qui relève de retours quotidiens ou d’une session de feedback formelle et structurée.
Quelques repères pour bien utiliser le feedback en sandwich
Quelle que soit la méthode choisie, la qualité de l’exécution fait toute la différence. Une méthode parfaite sur le papier peut devenir contre-productive si elle est appliquée mécaniquement. Voici les principes incontournables si vous souhaitez conserver cette méthode dans votre boîte à outils de manager.
Soyez sincère et factuel
Un compliment artificiel se repère immédiatement et détruit votre crédibilité. Le collaborateur sent la manipulation et se ferme à l’information qui va suivre. Chaque élément positif doit être authentique, c’est-à-dire s’appuyer sur des faits observables et récents.
Décrivez précisément ce que vous avez observé, sans exagération ni dramatisation. Évitez toute critique destructive et remarque subjective. Une attitude factuelle favorise la compréhension et limite les interprétations qui parasitent l’échange.
Donnez des pistes concrètes de progression
Pointer un problème sans proposer de solution frustre le collaborateur et ne l’aide pas à progresser. Un manager ne se contente pas de constater le dysfonctionnement, il propose des pistes concrètes pour améliorer la situation.
Ces pistes peuvent prendre plusieurs formes. Une formation pour développer une compétence. Un ajustement d’une méthode de travail. Un suivi renforcé sur l’une ou l’autre tâche. L’essentiel est d’encourager le collaborateur en lui montrant un chemin réaliste vers le changement.
Adoptez une posture assertive
L’assertivité consiste à dire ce qui doit être dit avec respect mais sans détour. Le manager assertif n’agresse pas, mais il ne se dilue pas non plus dans des précautions excessives. Il sait encadrer son équipe sans tomber dans l’autoritarisme.
Cette posture encourage le collaborateur à recevoir le message sans se braquer. Elle favorise l’interaction authentique plutôt qu’un repli silencieux ou une attitude défensive.
Concentrez-vous sur les comportements
Le feedback doit toujours porter sur des comportements observables, jamais sur l’identité même d’une personne. Dire « tu arrives systématiquement en retard aux réunions » décrit un comportement modifiable. Dire « tu n’es pas fiable » est un jugement qui vise ce que la personne est censée être et non ce qu’elle fait.
Cibler les comportements plutôt que la personne protège la relation et facilite le changement. Le collaborateur peut modifier sa façon d’agir sans remettre en question qui il est fondamentalement. Cette approche permet à chacun d’ajuster sa pratique professionnelle dans un climat de respect mutuel.


