N°1 : Aidez vos collaborateurs à écrire des emails efficaces.
Qui a décrété que la communication était aisée ? Bernard Werber, qui manie pourtant sa plume avec adresse, admet toute la complexité de la communication en détaillant la chaîne de transmission d’un message.
Entre ce que je pense,
ce que je veux dire,
ce que je crois dire,
ce que je dis,
ce que vous voulez entendre,
ce que vous entendez,
ce que vous croyez comprendre,
ce que vous voulez comprendre
et ce que vous comprenez,
combien y-a-t-il possibilités de ne pas s’entendre ?
Ne vous y méprenez pas : il n’est pas question dans cet article de légitimer des considérations d’emblée fatalistes du type : « A quoi bon faire des efforts puisque c’est perdu d’avance ? »
Certes nos messages, en étant perçus par un autre filtre que le nôtre, sont inévitablement déformés, occasionnant un décalage entre notre intention de départ et la réaction provoquée chez notre interlocuteur. Cette distorsion de la communication fait le jeu de la littérature, en laissant entrevoir un vaste champ des possibles au lecteur. En revanche, l’enjeu de nos emails est au contraire de diminuer au possible cet espace de flottement.
Rédiger des écrits professionnels mobilise des compétences distinctes de celles d’un auteur. On pourrait même aller jusqu’à affirmer que moins on est littéraire, plus on a de chances d’écrire des emails efficaces !
En voici la raison : un email efficace est factuel, précis, simple et concis.- Factuel : Vos opinions sont importantes, en revanche pensez bien à les énoncer en tant que telles, en les isolant des faits.
- Précis : Attention toutefois à ne pas vous limiter à un vocabulaire trop pauvre aux significations trop vagues. Plutôt que de parler de documents, préciser leur nature : est-ce un tableau, une présentation, un dossier ?
- Simple : N’ayez pas peur d’utiliser des mots simples et connus de tous !
Pourquoi parler de « paradigme » quand on sait que son synonyme « modèle », est connu de tous ? - Concis : Les verbiages sont à proscrire.
Pourquoi parler d’ « acquisition » quand « achat » est bien plus rapide à lire et facile à saisir ?
Dans l’entreprise – peut-être plus qu’ailleurs – les conditions sont réunies pour écrire de manière la plus percutante possible. Pourquoi ? Car nous avons la chance de pouvoir vérifier la portée de nos écrits de manière quasi immédiate.
Une véritable aubaine pour ré-adapter en permanence ses écrits et devenir le champion des emails…
En tant que manager, vous êtes concerné par les écrits à double titre : pour votre propre pratique et pour accompagner vos collaborateurs.
Imaginons que vous avez remarqué des insuffisances dans les emails de l’un de vos collaborateurs. Voici 4 étapes pour l’accompagner sans le braquer :
1- Faites une mise au point sur vos propres pratiques.
Avez-vous, lors de vos échanges récents, obtenu les réactions escomptées à la lecture de vos mails ?
Si ce n’est pas le cas, essayez d’en connaître la cause en les faisant lire à des collègues : comment vos mails sont-ils perçus ?
Cette phase d’évaluation est un préalable à l’accompagnement.
2- Désacralisez l’écriture dans l’entreprise : faites sauter les tabous !
Accompagner son collaborateur dans l’écriture de ses mails n’est pas un acte de management anodin, tant l’acte d’écriture est chargé symboliquement. Le rapport à l’écriture est souvent relié au rapport à la scolarité. En corrigeant les écrits d’un collègue, on reproduit l’acte de correction d’un professeur sur la copie de son élève. Si le parcours scolaire de votre collaborateur a été tumultueux, celui-ci risque de se montrer réticent.
Dans ce cas, arguez qu’on ne corrige pas pour corriger, mais expliquez le sens de la démarche :
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- Bien écrire est une marque de considération pour son interlocuteur
- Bien écrire est un marqueur social : améliorer ses écrits est souvent une condition sine qua non pour monter en niveau de responsabilité et prestige social.
- Bien écrire est un vecteur incontournable de l’efficacité au travail !
Enfin, soyez rassurant : écrire n’est inné pour personne, cela s’apprend. Des progrès peuvent être observés rapidement en suivant les grands principes d’écriture.
A noter : votre accompagnement sera grandement facilité si votre collaborateur aime lire et écrire et s’il se met naturellement dans la peau du lecteur.
3- Faites-lui formuler par lui-même ses points de blocages et axes de progression.
Une fois le terrain déminé, interrogez-le : « Comment sont perçus tes emails par ceux qui les reçoivent ? », « A quelles difficultés es-tu confronté en écrivant un email ? »
Ce questionnement permet :
- Pour le collaborateur : une prise de conscience rendue possible par l’énonciation des difficultés rencontrées. C’est un premier pas impliquant vers le processus d’apprentissage.
- Pour vous, manager : de connaître les points de blocages sur lesquels travailler et d’orienter votre pédagogie en fonction.
Voici, en vrac, quelques freins couramment constatés : « Je ne sais pas écrire de belles phrases », « Je n’arrive pas à tout dire, j’oublie régulièrement des informations », « Je sèche devant l’écran », « Je n’ai pas suffisamment de temps », « Je suis nul en orthographe », « Mes interlocuteurs ne comprennent pas mes mails », « Je suis trop direct et cela se retourne contre moi », « Je n’arrive pas à être aussi convaincant à l’écrit qu’à l’oral »…
4- Organisez un suivi personnalisé.
Il peut s’avérer pertinent d’intégrer la rédaction d’emails efficaces parmi les objectifs de l’entretien annuel. Cette formalisation permet d’attester de l’importance que vous accordez à ce sujet. Vous lui demandez des résultats et vous vous engagez à lui donner les moyens nécessaires à leur atteinte. Posez la question magique « De quoi as-tu besoin ? »
Les besoins peuvent être différents selon les personnes :
- des rendez-vous de suivi rituels dans un espace clos,
- une formation dédiée,
- une relecture régulière des emails avant envoi,
- créer ensemble des modèles type, etc.
Accordez-vous sur des résultats précis à atteindre : ils doivent être observables et/ou quantifiables. On mesure l’efficacité des emails par les signaux de feedbacks renvoyés. Deux sortes de signaux d’efficacité sont à intégrer pour qualifier un email d’efficace.
Le signal d’efficacité court terme : l’objectif de communication a été atteint.
Par exemple : l’action demandée a été accomplie dans les temps impartis et de la manière souhaitée.
Le signal d’efficacité moyen et long terme : les relations de travail ont été préservées dans la durée.
Se conformer à cet objectif exige de se poser la question de la manière dont l’email va être lu par le destinataire. C’est bien sûr plus facile de s’adapter à un destinataire que l’on connaît bien, mais des règles d’interaction permettent de s’assurer d’un degré d’adhésion minimal à l’email.
Dans l’entreprise, tout l’enjeu de la communication est de manier adroitement souplesse et fermeté, relation et action.
Cela est d’autant plus crucial dans les emails : les mots choisis revêtent une importance accrue par rapport à l’oral. Et puis ne dit-on pas que les écrits restent tandis que les paroles s’envolent ?
Nous aborderons dans un prochain article les grands principes directeurs de l’usage et l’écriture des emails. En attendant, pas de panique : l’écrit parfait n’existe pas. C’est Bernard Werber qui l’a dit (et il n’est pas le seul)…