En matière de communication dans les organisations, la transparence est-elle toujours pertinente ?
Quid de la pro-activité en matière de communication du manager vers ses collaborateurs ?
Ceux-ci réclament toujours plus de communication et de transparence et, entre autres qualités dont on le pare, le manager idéal devrait être transparent et communiquant.

Au siècle dernier, l’une des sources de légitimité managériale reposait sur la détention d’informations, que le manager distillait avec plus ou moins de générosité, animé qu’il était par la fameuse croyance limitante que : « l’information c’est le pouvoir ».

Dans les organisations, les informations « cascadaient » ou descendaient, d’abord par notes de services estampillées « confidentiel », puis par des mails à liste de diffusion.
Au 21ème siècle, cette croyance a fait long feu et le pouvoir sera entre les mains de ceux qui sauront organiser la profusion d’informations qu’ils détiennent.

Aujourd’hui, par le biais des réseaux sociaux et de la technologie qui permet l’instantanéité d’une information brute qui déverse ses flots en continu, l’accès à cette information apparaît parfois comme un droit et une exigence à laquelle le manager est tenu de répondre.

Pour autant, le manager doit-il il tout dire ?

De par son rôle et ses fonctions, il navigue en permanence au travers de scénarii et d’hypothèses de travail qui constituent tout autant d’incertitudes insécurisantes pour le collaborateur.

En outre, il fait parfois des projections : avec la meilleure intention du monde, il va projeter ses besoins en matière d’informations sur ces collaborateurs

Mais le manager n’est pas manager par hasard, ce rôle lui a été confié parce qu’il a la capacité, plus que d’autres, à naviguer dans des environnements complexes et incertains, au sein desquels il navigue parmi de multiples hypothèses si possible cohérentes avec un cap.

Non, le manager n’a pas intérêt à alimenter les conjectures de tout ordre

D’aucuns parleront de « radio-moquette » en étant inutilement transparent sur ce qui a trait à des réflexions stratégiques ou prospectives.

En revanche, en utilisant ses récepteurs sensoriels comme autant de capteurs de l’état émotionnel ambiant et des besoins de sécurité ou de réponses des uns et des autres, il a intérêt à permettre aux émotions de s’exprimer pour mieux les traiter, tout en gérant et en contenant les siennes.

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Si l’on attend du manager qu’il fasse preuve d’empathie auprès de ses collaborateurs, on attend aussi de lui qu’il ne soit celui qu’Eric Albert définit comme un « incontinent émotionnel », c’est-à-dire quelqu’un qui laisse tout transparaître des émotions et opinions qui l’assaillent, au risque d’insécuriser ses collaborateurs par un apparent manque d’alignement

Par ailleurs, pour tout ce qui a trait à l’organisation du travail, à la gestion, et à la bonne marche de l’entreprise, le manager est soumis à une obligation de confidentialité dictée par le Code du Travail. En effet, sur tous ces sujets, le Comité d’Entreprise doit être consulté en amont de toute communication relative à l’un de ces sujets.
En clair, si vous êtes manager il y a fort à parier qu’un certain nombre des hypothèses que vous manipulez, relève de ces sujets. En conséquence, les divulguer reviendrait à faire courir à votre entreprise le risque d’un délit d’entrave en matière de relations sociales.

Il n’en reste pas moins que les collaborateurs ont le désir compréhensible d’être informés de tout ce qui serait de nature à avoir un impact en lien avec leur avenir dans l’entreprise, ou plutôt avec une menace sur leur avenir dans l’entreprise.

Fort de ces constats, quel niveau de communication et d’information donner pour partiellement répondre et éviter la frustration, tout en évitant de distiller ce qui serait de nature à générer des spéculations anxiogènes et contre-productives ?

Quelques clefs pour communiquer sans pour autant tout dévoiler, au risque d’insécuriser de manière contre-productive :

1. Garder le contact : représentez-vous un manager, traditionnellement proche de ses équipes, soudainement prendre de la distance. Ce manager apparaîtrait brutalement comme évitant, ce qui serait de nature à insécuriser ses collaborateurs, qui imagineraient alors «  qu’on leur cache quelque chose »

2. Résister à la pression : le rôle de manager comporte souvent une dimension stratégique qui consiste à formuler des hypothèses pour ensuite les valider ou les invalider, et peut-être ensuite les transformer en plan d’actions. Résister à la dictature de la transparence est utile : il y a de quoi alimenter « radio-moquette » et « fréquence-couloir » avec des conjectures de nature à créer de l’insécurité et du stress.

3. Donner du sens. A ce que vous dites tout comme à ce que vous ne dites pas. En gardant bien une chose en tête : expliquer n’est pas justifier. Même les informations et les décisions les plus impopulaires a priori peuvent finir par être acceptées, dès lors que le manager parvient à y donner du sens et de la cohérence pour ses équipes.

4. Etre à l’écoute de la rumeur : la rumeur est révélatrice des inquiétudes et des fantasmes individuels et collectifs. Activer ses détecteurs de rumeur permet d’identifier ce qui mérite d’être clarifié, expliqué, voire démenti.

5. Gérer ses propres sentiments contradictoires : Si vous avez des états d’âme liés à la nature des hypothèses sur lesquelles vous travaillez, partagez-les avec votre propre hiérarchique, ou un mentor (ou un coach, etc.). Est-il pertinent, sous le prétexte d’honnêteté, se décharger d’un fardeau que l’on a du mal à porter tout seul, au risque de créer stress et anxiété chez ses collaborateurs ?

6. User et abuser de la communication sur les « bonnes nouvelles » : qu’est-ce qui s’est bien passé, qu’avons-nous réussi, quelles sont les perspectives favorables pour notre secteur d’activité ou sur notre marché ?

Puis vient le moment de vérité. Quand le manager est mis au pied du mur et que toutes les conditions légales et formelles sont réunies pour communiquer des informations désagréables à l’ensemble des collaborateurs, il va falloir rassembler toutes ses ressources pour affronter l’incrédulité, parfois le sentiment de trahison, parfois la colère, parfois la tristesse et souvent la peur.

En se rappelant de toujours rester sur le registre assertif de l’explication, qui n’est ni une excuse, ni une série de justifications. Une explication répond au besoin légitime de comprendre, formulé par des collaborateurs matures et adultes, quand au contraire justifier affaiblit la position du manager et du leader.
Expliquer ne signifie pas non plus faire plaisir, ni édulcorer la réalité. Incarner sa responsabilité de manager c’est alors faire face, avec empathie et courage, et à la juste distance , celle qui permet de se préserver tout en démontrant de la proximité avec ses équipes, à des réactions et des émotions contradictoires.

Alors communiquer certes, mais le manager ne peut définitivement pas tout dire, et il a aussi un rôle de filtre nécessaire au bien commun dans un système complexe où il doit préserver la confiance, mais aussi la confidentialité, dans parfois la confusion de ses propres opinions et sentiments.