La communication interpersonnelle se définit comme l’ensemble des échanges entre deux personnes. Elle se distingue de la communication de groupe ou médiatique par son caractère direct et immédiat : ici, chaque geste, chaque mot, chaque silence a une portée. Dans cette logique de la communication, l’important n’est pas seulement ce que l’on dit, mais aussi la façon dont on le dit et la manière dont cela est interprété. C’est ce qu’on appelle l’approche communicationnelle : une lecture systémique où le message prend sens dans le contexte, avec les interlocuteurs présents et leurs réactions.
Historique et fondements de l’école de palo alto
L’école de Palo Alto est née dans les années 1950, au Mental Research Institute en Californie. Dans ce laboratoire pas comme les autres, chercheurs et thérapeutes se sont penchés sur les interactions humaines, influencés par la cybernétique et la théorie des systèmes. Parmi eux, Gregory Bateson, Paul Watzlawick, Don Jackson, Jay Haley, John Weakland et Janet Beavin Bavelas. Ensemble, ils ont développé une véritable théorie de la communication interpersonnelle qui a profondément marqué la psychologie et les sciences sociales.
Leur ouvrage fondateur, Pragmatics of Human Communication (1967), a été traduit en français sous le titre Une logique de la communication (Éditions du Seuil, 1972). Ce texte est encore aujourd’hui la référence incontournable pour comprendre les 5 principes de Palo Alto.
Les 5 principes de la communication interpersonnelle selon palo alto
Principe 1 : on ne peut pas ne pas communiquer
C’est peut-être l’axiome le plus connu. Même quand nous nous taisons, nous envoyons un message. Imaginez : un collègue vous pose une question en réunion et vous détournez simplement le regard sans répondre. Votre silence est interprété : indifférence, agacement, malaise ? Bref, vous avez communiqué.
Paul Watzlawick le résume ainsi : “On ne peut pas ne pas communiquer.” Mais attention : tout comportement a valeur de message, cela ne signifie pas que tout comportement a le sens que je lui prête. Pour éviter les malentendus, il est utile de poser une question de métacommunication : “Quand tu restes silencieux, j’ai l’impression que tu n’es pas d’accord. Est-ce le cas ?”.
Principe 2 : un message contient à la fois un indice et un ordre
Chaque message transporte deux dimensions : le contenu (l’indice) et la relation (l’ordre). Un simple “bonjour” peut signifier “je suis heureux de te voir” si le ton est chaleureux, ou “disparais de ma vue” si l’intonation est sèche.
C’est ce décalage qui crée parfois une incongruence communicationnelle : les mots disent une chose, le non verbal en dit une autre. Et dans la pratique, c’est souvent la relation qui prend le dessus sur le contenu.
Principe 3 : la ponctuation structure l’échange
Dans un conflit, chacun découpe la séquence à sa façon. Prenons deux protagonistes :
– “C’est toi qui as commencé !”
– “Non, c’est toi !”
Chacun croit détenir la vérité, mais en réalité, ils ne partagent pas la même ponctuation. Ce principe explique pourquoi les désaccords professionnels ou personnels s’enveniment : chacun raconte son histoire en se basant sur son propre point de départ.
Principe 4 : digital et analogique
La communication humaine se déroule sur deux modes. Le mode digital correspond au langage verbal, codifié, précis. Le mode analogique regroupe tout le non verbal : gestes, intonations, mimiques.
Prenons un exemple : une horloge digitale affiche “14:05”. C’est clair, net, sans équivoque. Une horloge à aiguilles, elle, utilise l’analogie des aiguilles pour représenter l’heure. En communication, c’est pareil : les mots (digital) disent une chose, l’intonation et la posture (analogique) peuvent confirmer, nuancer ou contredire le message.
Principe 5 : la relation est symétrique ou complémentaire
Dans une relation symétrique, les deux interlocuteurs se placent sur un pied d’égalité :
– “Tu vas bien ?”
– “Oui, et toi ?”
– “Ça va.”
La relation avance en miroir.
Dans une relation complémentaire, au contraire, chacun adopte une position différente. Cela peut être équilibrant (parent/enfant, supérieur/collaborateur), mais aussi générer une escalade. Par exemple :
– “Tu pourrais me répondre quand je te parle !”
– “De quoi je me mêle ?”
– “Non mais c’est pas croyable d’être malpoli comme ça !”
– “C’est toi qui as un problème !”
Et le cercle s’alimente de lui-même.
Un exemple appliqué : manager et collaborateur en tension
Imaginons un manager qui reproche à son collaborateur d’arriver en retard :
– “Encore en retard, ce n’est pas sérieux.”
– (Silence, bras croisés.)
– “Tu pourrais au moins me répondre !”
– “C’est parce que tu changes tout le temps les horaires.”
On peut analyser la scène avec les 5 principes :
- Le silence du collaborateur (principe 1) est déjà une réponse.
- Le contenu du message est un reproche, mais l’ordre relationnel traduit une mise en position de supériorité (principe 2).
- Chacun ponctue différemment l’échange (principe 3).
- Les mots (digital) et la posture (analogique) du collaborateur se contredisent (principe 4).
- La relation complémentaire (supérieur / subordonné) se rigidifie (principe 5).
C’est un bon exemple de ce que la théorie de la communication interpersonnelle peut éclairer dans un cadre de management.
Terminologie et glossaire
Pour éviter les confusions, il est utile de distinguer :
- relation interpersonnelle : un lien durable (exemple : amitié, collaboration).
- interaction interpersonnelle : un épisode ponctuel (exemple : une réunion, une discussion).
Et pour enrichir la compréhension, voici quelques définitions utiles :
- ponctuation : la manière dont chacun découpe l’échange.
- métacommunication : parler de la communication elle-même.
- incongruence : contradiction entre ce qui est dit et ce qui est montré.
- complémentarité : interaction basée sur une différence de position.
- symétrie : interaction basée sur l’égalité.
- digital : communication verbale.
- analogique : communication non verbale.
- interlocuteur : celui qui reçoit ou émet un message.
- protagoniste : acteur impliqué dans l’interaction.
Paul Watzlawick et prolongements
Paul Watzlawick (1921–2007) reste la figure la plus connue de l’école de Palo Alto. Psychologue et philosophe, il a développé avec ses collègues une théorie qui influence encore aujourd’hui la psychologie, la sociologie et même le management. Ses ouvrages, Une logique de la communication ou encore La réalité de la réalité, sont devenus des classiques.
Ses travaux ont été prolongés par Janet Beavin Bavelas, notamment sur les ajustements interactionnels et la précision des échanges.
Définition de la communication selon les auteurs
La communication interpersonnelle a été étudiée par différents auteurs, chacun avec une approche spécifique.
- Pour Watzlawick et l’école de Palo Alto, la communication est une interaction systémique fondée sur 5 principes universels.
- Pour Jakobson, le langage est structuré par six fonctions (référentielle, conative, phatique, etc.).
- Pour Shannon et Weaver, la communication suit un schéma technique : émetteur, récepteur, canal, bruit.
- Pour Erving Goffman, les interactions sont des mises en scène sociales où chaque protagoniste joue un rôle.
Ces modèles ne s’opposent pas : ils se complètent et permettent de comprendre les multiples facettes de la communication humaine.
Conclusion
La définition de la communication interpersonnelle proposée par l’école de Palo Alto reste une référence incontournable en psychologie et en management. Ses 5 principes éclairent aussi bien la vie personnelle que les relations professionnelles.
Les clés de la communication interpersonnelle
2 jours
Mais d’autres théories, de Jakobson à Goffman, permettent d’enrichir la réflexion et d’éviter de réduire la communication à une seule logique. Comprendre comment les messages se construisent, comment ils sont reçus, et comment ils façonnent la relation reste un enjeu majeur pour quiconque veut progresser dans son rapport aux autres.